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La Baracolle – ‘A nous les beaux dimanches’

La Résidence La Barcarolle, du CPAS de Verviers, ne se contente pas d’être, dans l’esprit Tubbe, une maison de repos et de soins ‘où il fait bon vivre et travailler’. Elle aspire à devenir la première MRS de Belgique où ce sera tous les jours dimanche.

À La Barcarolle, l’esprit Tubbe a poussé spontanément. Dans le jardin. « Ça s’est fait par hasard, en 2019, explique le directeur, Julien Hannotte. Nous avions décidé de réaménager le jardin, et j’avais rendez-vous pour un devis avec un homme de métier. Mais un contretemps de dernière minute m’a empêché de le recevoir. Un résident, ancien jardinier, a proposé de le faire à ma place, ils ont choisi ensemble les fleurs et les plantes, en fonction de la terre, de l’ensoleillement, etc. et le résultat a été bluffant ! Cette expérience nous a fait réfléchir. Grâce à leurs carrières ou leurs hobbies, nos résidents avaient des compétences. Nous devions leur laisser plus d’autonomie. »

 

Le train en marche

Julien Hannotte et son équipe se sont alors demandé s’il existait une philosophie en phase avec leurs réflexions, et ils ont découvert Tubbe. « Après, tout s’est enchaîné. Il y a eu la présentation à la Résidence Regina, à Moresnet, en janvier 2020, et puis les contacts avec la Fondation Roi Baudouin, et nous avons pris le train en marche. » Un peu trop vite ? « Nous ne sommes pas naïfs. Si de nombreux membres du personnel sont convaincus de la nécessité de modifier l’accompagnement des personnes âgées en maison de repos, d’autres sont contre, soit parce qu’ils tiennent à leur routine, soit parce que leur carrière a été jalonnée de belles promesses et de déceptions, et qu’ils n’ont pas envie de s’investir dans un projet dont ils sont persuadés qu’il n’aboutira pas. Les opposants purs et durs ne forment qu’un petit noyau, mais nous comptons quand même 40% d’attentistes, qu’il va falloir convaincre… C’est pourquoi, avec l’aide de notre coach, nous organisons des réunions d’équipes, afin que le personnel puisse s’exprimer, tout en découvrant l’intérêt de la dynamique.»

 

Changement facile

La pandémie de Covid n’a évidemment pas arrangé les choses. Mais, outre qu’elle a révélé certains dysfonctionnements dans le monde des maisons de repos, elle permet d’embrayer plus rapidement sur le changement. « Parce que changer, c’est plus facile quand on y est obligé. Un exemple tout bête. Sous l’ancien directeur, les résidents soupaient en chambre, ce qui exigeait beaucoup de travail, d’organisation et de personnel, tout en favorisant l’isolement. Pendant l’épidémie, pour alléger la charge de travail, le souper a été servi dans les restaurants d’étages, ce qui a renforcé la convivialité et l’entraide entre les résidents, qui ont eux-mêmes demandé à ne pas revenir à la formule précédente. »  Par ailleurs, un projet culturel, consistant à proposer aux résidents des ateliers animés par des professionnels, va bientôt voir le jour. « Pour que le résident qui a toujours rêvé de s’essayer à une activité artistique soit encouragé à le faire. L’autonomie prônée par le projet Tubbe, c’est d’abord de pouvoir faire ce qu’on veut. Un de nos résidents est un artiste-peintre qui aime travailler la nuit. À 23 heures, il se fait un café et il peint, comme il le faisait chez lui. Je n’ai aucun problème avec ça. De même que, si une personne passionnée de pâtisserie veut faire un gâteau, rien ne l’empêche de le préparer dans la cuisine de la résidence.»

 

Dimanche pour tou(te)s

Pour que leurs résidents se sentent vraiment chez eux, Julien Hannotte et son équipe envisagent même de repenser La Barcarolle en fonction de leurs désirs. « Comme nous avons la chance de disposer d’un bâtiment très vaste, nous allons engager un nouvel architecte, qui revisitera les espaces intérieurs de manière à coller aux demandes et aux besoins des résidents. Ils veulent une pièce de couture, par exemple ? Il leur en fera une ! » C’est dans cet esprit qu’il a intitulé son projet pour la Fondation Roi Baudouin ‘Un dimanche comme on les aime’. « Je viens d’une famille assez stricte, qui m’inscrivait à d’innombrables activités, et le dimanche était vraiment le seul jour où je pouvais faire ce que je voulais. C’est pourquoi mon rêve est que les résidents, mais aussi les membres du personnel, abordent chaque journée comme si c’était dimanche. Que les résidents se disent : ‘Qu’est-ce que j’ai envie de faire ? Boire un café ? Bavarder ? Jouer aux échecs ? Jardiner ? Peindre ?’ Et qu’après avoir fait leurs tâches, les membres du personnel se sentent libres de parler ou de jouer avec les résidents, de se promener avec eux, ou même de rejoindre ceux qui sortent pour fumer. Sans que personne puisse leur reprocher, comme c’est parfois le cas actuellement, de prendre une pause trop longue. »

 

Dans les étages

Mais, si tout le monde fait ce qu’il veut, que devient l’autorité du directeur ? « Je ne suis pas accroché à mon titre. En fait, je n’ai qu’une envie : que les résidents et le personnel soient contents de vivre et de travailler ici. Et, s’il faut pour cela que je fasse passer mes propres idées après les leurs, peu importe. Ce qui compte, c’est qu’ils n’hésitent pas à me les soumettre, à prendre des initiatives. C’est la raison pour laquelle, au retour de mon congé de paternité, j’ai décidé de me rendre plus accessible. Avant, j’étais trop souvent dans mon bureau, à m’occuper de tâches administratives. Mais j’ai fait savoir au CPAS que mon travail est avec les gens, dans les étages de ma résidence, et pas devant mon ordinateur. Car, dans le modèle Tubbe, la direction aussi doit changer de rôle…»